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Nucléaire : le premier EPR de la planète a démarré en Chine

Le réacteur de troisième génération a été lancé mercredi sur le site de Taishan dans le sud de la Chine. « Une excellente nouvelle pour la filière nucléaire », estime EDF.

Par  et  (Shanghaï, correspondance) (avec AFP et Reuters)

Publié le 07 juin 2018 à 00h42, modifié le 07 juin 2018 à 14h47

Temps de Lecture 4 min.

Vue de la centrale nucléaire de Taishan, en octobre 2013.

C’est par un simple message sur Twitter que le patron du « nouveau nucléaire » d’EDF a annoncé, mercredi 6 juin, le démarrage du réacteur EPR de Taishan, dans le sud-est de la Chine. « L’EPR de Taishan vient d’avoir sa première réaction en chaîne et donc de démarrer », a annoncé Xavier Ursat, qui y voit « une excellente nouvelle pour l’ensemble de la filière nucléaire ». C’est aussi une victoire pour l’ingénierie et la gestion de projet de la Chine, qui a été la première à raccorder un EPR au réseau alors que le chantier de Taishan avait débuté en 2009 – après ceux du réacteur finlandais d’Olkiluoto (2005) et du réacteur français de Flamanville (2007).

La centrale chinoise, située à une cinquantaine de kilomètres au sud de Hongkong, doit progressivement monter en puissance et subir d’ultimes tests avant d’être raccordée au réseau électrique. Elle entrera en service commercial cet été, notamment pour alimenter la mégapole de Canton, dans la dynamique province du Guangdong qui fait figure d’« atelier du monde ». Le second réacteur de Taishan doit être raccordé au réseau en 2019.

Ces deux EPR avait été vendus par Areva à la Chine en 2007. Ils sont le fruit d’une coopération franco-chinoise lancée dès le début des années 1980, qui a d’abord débouché sur la construction de quatre « tranches » de deuxième génération sur les sites de Daya Bay et Ling Ao. Elle s’est prolongée dans le cadre de la Taishan Nuclear Power Joint Venture Company Limited, une coentreprise détenue à 70 % par China General Nuclear Power Corporation (CGN) et à 30 % par EDF.

Retards de livraison

Si les retards sont moins importants qu’en Europe, le projet chinois a aussi connu des difficultés. Début janvier, CGN avait attribué les derniers retards à sa situation de pionnier pour la mise en service du réacteur : « Dans la mesure où aucune unité de génération d’énergie avec la technologie EPR n’a été mise en opération commerciale dans le monde, Taishan doit conduire plus d’expériences et de vérifications du design et de l’équipement. » Ces retards doivent être relativisés : les EPR, des réacteurs à eau pressurisée, sont conçus pour fonctionner au moins soixante ans.

A la pose de la première pierre, les concepteurs de Taishan tablaient sur une livraison en 2013, avant de la repousser à 2016. Mais des malfaçons ont été détectées en 2015 sur la cuve des réacteurs, un élément central pour la sûreté. Conçues par Areva, les chaudières de Taishan ont toutefois été fabriquées en Chine par Dongfang Electric Corporation. Et elles n’ont pas connu les concentrations anormales de carbone sur le fond et le couvercle détectées sur la cuve de Flamanville, qui a été forgée dans l’usine Framatome (ex-Areva NP) du Creusot.

Le groupe d’électricité français a connu moins de réussite à Flamanville, qui accuse déjà huit ans de retard et un triplement de son devis initial : son coût atteint 10,5 milliards euros. Dernier déboire en date : des soudures sur le circuit secondaire qui relie les générateurs de vapeur à la turbine. Certaines ne répondent pas aux normes très strictes que s’est imposées EDF, d’autres sont même en dessous des standards normaux. Après des échanges avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), EDF annoncera probablement dans quelques semaines un nouveau retard, ce qui repoussera sa mise en service commercial prévue courant 2019. Et alourdira peut-être la facture de plusieurs centaines de millions d’euros.

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Reste le chantier d’Olkiluoto, piloté par Areva SA, qui a pris neuf ans de retard et généré un colossal contentieux avec son client finlandais TVO. Il s’est soldé par des pénalités dont le montant, non dévoilé, atteindra plusieurs centaines de millions. Malgré ces retards et ces surcoûts, OL 3 doit entrer en service en 2019, les retards ayant obligé la Finlande à importer de l’électricité de ses voisins scandinaves.

Concurrence russe

L’EPR comporte des éléments de sûreté bien plus importants que les réacteurs de génération 2, notamment une double enceinte de béton et un réceptacle sous la chaudière nucléaire pour récupérer les éléments hautement radioactifs en cas de fonte du cœur. C’est notamment sur ces éléments de sûreté, et sur une baisse des coûts de maintenance, qu’Areva et EDF avaient insisté pour le vendre aux grands électriciens étrangers.

Mais l’avenir de l’EPR s’écrit encore en pointillé, malgré le démarrage du chantier d’Hinkley Point, dans le sud-ouest de l’Angleterre, un projet à 22 milliards d’euros financé aux deux tiers par EDF et un tiers par CGN. On sait déjà que l’objectif d’une mise en service en 2025 ne sera pas tenu. Deux autres réacteurs sont prévus sur le site de Sizewell (est de l’Angleterre), mais le montage financier est loin d’être bouclé. Quant aux six EPR proposés à l’Inde, ils font toujours l’objet de négociations serrées. En mars, lors d’un voyage d’Emmanuel Macron en Inde, son entourage espérait la signature d’un accord commercial « à la fin de l’année ». Et EDF ne désespère pas d’en vendre à l’Arabie saoudite.

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Conçu dès les années 1990 par Framatome et l’allemand Siemens, sorti du jeu en 2011, l’EPR souffre de graves problèmes de compétitivité, notamment par rapport au VVER 1200 du russe Rosatom, puissamment soutenu par l’Etat, et au Hualong 1 de CGN et CNNC. Framatome, racheté par EDF fin 2017 pour 2,5 milliards d’euros, travaille sur un « EPR optimisé », plus rapide à construire et censé être moins cher de l’ordre de 30 %, ce qui ramènerait son prix unitaire à 5-6 milliards. Il serait notamment destiné au marché français, si le gouvernement décide de relancer la construction de nouvelles centrales dans les années 2020. Ce nouveau modèle représente la dernière chance pour la filière nucléaire française.

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