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Climat

Réchauffement climatique : +5°C si on ne fait rien

Une nouvelle analyse des modèles climatiques montre que le réchauffement climatique le plus probable pourrait être encore pire que ce que le GIEC avait prévu.

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La canicule assèche une rivière en Chine, en juillet 2017.

La canicule assèche une rivière en Chine, en juillet 2017.

© Jndsb / Imaginechina / AFP

"Si les émissions (de CO2) suivent un scénario habituel, il y a 93% de chances pour que le réchauffement climatique dépasse les 4 degrés Celsius d’ici à la fin de ce siècle", se rapprochant de 5°C.  Telle est la conclusion alarmante d’une nouvelle étude statistique réalisée par deux chercheurs Patrick Brown et Ken Caldeira de la Carnegie Institution for Science à Standford en Californie (Etats-Unis) publiée par Nature. Leurs résultats suggèrent en effet que dans la fourchette de température proposée par les modèles les plus pessimistes du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), ce serait la plus haute valeur qu’il faudrait prendre en compte, et non la moyenne. 

Les modèles climatiques sont des algorithmes qui travaillent à partir des équations physiques simulant le comportement de l'atmosphère et des océans. Ils sont utilisés pour prédire le réchauffement climatique futur pour une augmentation donnée de la concentration en CO2 et des autres gaz à effet de serre. "Il existe une quarantaine de modèles climatiques mondiaux qui projettent tous différents niveaux de réchauffement climatique pour un changement donné des concentrations de gaz à effet de serre, explique ainsi Patrick Brown co-auteur de l’étude, principalement parce qu'il n'y a pas de consensus sur la meilleure façon de modéliser certains aspects du système climatique". Le plus pessimiste des scénarios, simulé par les modèles dans le 5e rapport du GIEC est appelé RCP (représentative concentration pathway) 8,5. Il correspond à la prolongation des émissions de CO2 actuelles et projette de 2081 à 2100 une fourchette d’augmentation de température possible entre + 2,6°C et + 4,8°C par rapport aux niveaux pré-industriels (1860).

Les modèles qui simulent le mieux la période actuelle ont tendance à projeter, pour le futur, un réchauffement proche de 5°C !

Laquelle de ces deux extrémités est la plus susceptible de s’avérer exacte si les émissions de CO2 ne baissent pas ? C’est la question à laquelle ont voulu répondre Brown et Caldeira. Leur hypothèse : les modèles qui sont les plus aptes à projeter le futur sont ceux qui doivent également être les plus aptes à simuler le climat actuel, ou d’un passé proche, en fonction des données d’observation satellites récentes.  "Il est logique que les modèles qui réussissent le mieux à simuler les observations d'aujourd'hui soient les modèles les plus fiables pour demain", résume M. Caldeira. Les deux chercheurs ont donc comparé la performance des différents modèles, alimentés par des observations satellites récentes de l'atmosphère actuelle. Puis ont fait tourner les modèles les plus fiables pour obtenir des projections futures jusqu’en 2100. Résultat : les modèles qui simulent le mieux la période actuelle ont tendance à projeter, pour le futur, un réchauffement proche de 5°C ! Le haut de la fourchette du scénario RCP 8,5.



"Cette étude signifie que les modèles les plus réalistes nous incitent à ne pas prendre en compte une valeur moyenne de réchauffement mais plutôt à aller chercher les modèles les plus sensibles", commente Hervé Le Treut climatologue spécialiste des modèles de simulation climatiques,  directeur de l'Institut Pierre-Simon-Laplace

De plus elle apporte un élément de réponse à une question qui taraude les chercheurs : le rôle des nuages. En effet, l'incertitude des modèles est principalement due à la grande complexité des processus qui entrent en jeu et principalement le rôle complexe des nuages. "Les nuages réchauffent l’atmosphère par effet de serre et la refroidisse en faisant barrage au rayonnement solaire, poursuit Hervé Le Treut, Estimer quelle tendance va l’emporter dans le futur est encore très ardu". Or l’analyse de Brown et Caldeira révèle que "les modèles les plus aptes à recréer les conditions actuelles sont ceux qui simulent une réduction du refroidissement dû aux nuages ​​à l'avenir". Un indice pour les futurs modèles donc.  

Cette étude tombe à point nommé dans le débat actuel

Pour le climatologue français cette étude tombe à point nommé dans le débat actuel, alors que vient de s’achever le One Planet Summit. "Depuis quelques années, les médias, les décideurs, les ONG, ont tendance à répéter à l’envi que si on ne fait rien en matière de baisse des émissions de CO2 on aura 3°C de réchauffement, une moyenne de la fourchette donnée par le GIEC, poursuit Hervé Le Treut. Mais ce n’est pas fondé !  La communauté scientifique n’a aucune raison de penser, à ce stade, que la moyenne des modèles soit la meilleure valeur à prendre en compte." 

Pour le climatologue, "il n’est pas anodin d’éliminer les scénarios les plus extrêmes du discours car cela évite de se poser la question des technologies nouvelles à mettre en place telle que la captation du carbone, coûteuse et qui n'a pas bonne presse". Il conclut : "Cette référence au 3°C est une manière de nier une partie des risques. Or le risque moyen n’existe pas". La perspective d'une augmentation de près de 5°C signifierait des conséquences désastreuses pour les générations futures. Et aussi, pour aujourd'hui, des efforts de réduction des émissions encore plus conséquents pour maintenir l'objectif des 2°C de l'accord de Paris. 

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