Depuis les années 2000, la Terre a gagné l’équivalent de la surface de la forêt amazonienne en couverture végétale, en grande partie grâce à la Chine et à l’Inde. Mais ce chiffre cache une réalité bien moins positive qu’elle n’en a l’air.


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    À l'heure où l'on se désole de la destruction des « poumons » de la planète, la Terre devient en réalité de plus en plus verte. Entre 2000 et 2017, elle a ainsi gagné 5 % de couverture végétale, soit 5,5 millions de kilomètres carrés de forêts, champs et prairies supplémentaires, selon une nouvelle étude publiée le 11 février dans la revue Nature Sustainability. En 18 ans, la verdure s'est ainsi étendue sur une surface équivalente à celle de l'ensemble de la forêt amazonienne.

    La Chine et l’Inde, les deux premiers contributeurs au verdissement de la planète

    Pour leur étude, les chercheurs se sont basés sur les images satellites Modis de la NasaNasa (Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer), offrant une meilleure résolutionrésolution que son prédécesseur AVHRR. Cet outil permet notamment de suivre précisément l'utilisation des sols et le type de végétation (forêt et type d'arbre, champs, sol nu...). « Nous avons été surpris de constater que ce sont dans les deux pays les plus peuplés, la Chine et l'Inde, que le verdissement est le plus important », rapporte Ranga Myneni, professeur à l'université de Boston pour la Terre et l'Environnement et l'un des coauteurs. La première a ainsi gagné 1,35 million de km2 et la seconde 365.000 km2. Le projet de Grande Muraille Verte chinoise, qui prévoit d'augmenter la couverture forestière à 23 % de la superficie totale du pays d'ici à 2020 afin de lutter contre la pollution et l'avancée du désert, commence semble-t-il à porter ses fruits.

    Cette carte représente les changements de l’utilisation des sols sur la planète. Les zones blanches correspondent aux régions recouvertes de glace, aux déserts ou aux zones urbanisées. Les couleurs (violet à vert foncé) illustrent la diminution ou l’augmentation de la couverture végétale. Les sept cercles rouges illustrent les principaux endroits du verdissement. © Chi Chen et al, Nature Sustainability, 2019
    Cette carte représente les changements de l’utilisation des sols sur la planète. Les zones blanches correspondent aux régions recouvertes de glace, aux déserts ou aux zones urbanisées. Les couleurs (violet à vert foncé) illustrent la diminution ou l’augmentation de la couverture végétale. Les sept cercles rouges illustrent les principaux endroits du verdissement. © Chi Chen et al, Nature Sustainability, 2019

    Mais si le verdissement est effectivement dû en grande partie au reboisement en Chine (42 %), il n'en n'est pas de même pour l'Inde : cette dernière a surtout massivement développé son agriculture intensive. 82 % des nouvelles surfaces « vertes » dans ce pays proviennent ainsi des champs cultivés, contre à peine 4,4 % de nouvelles forêts. Ces surfaces, qui étaient auparavant peu ou pas exploitées, font aujourd'hui l'objet d'une exploitation à tout-va. La production de céréales a ainsi bondi de 26 % entre 2000 et 2017. La même tendance s'observe d'ailleurs en Chine, dont la production céréalière a augmenté de 43 %.

    Un recours massif à l’irrigation, aux fertilisants et à la mécanisation

    Or, ce type de culture est beaucoup moins favorable pour l'environnement. « Si le reboisement comme celui observé sur la Grande Muraille Verte ou dans les pays d'Europe de l'Est augmente le stockage de CO2, il n'en n'est pas de même pour les champs cultivés, dont le CO2 qu'ils absorbent est relâché rapidement dans l'atmosphèreatmosphère », explique Victor Brovkin, de l'Institut Max-PlanckPlanck pour la météorologiemétéorologie et coauteur de l'étude. D'autre part, cette agriculture intensive s'est largement développée au prix d'une rotation accrue des cultures, d'un pompage intempestif des nappes d'eau souterraines et d'une utilisation massive de fertilisants et pesticidespesticides. Les deux pays arrivent ainsi en tête des premiers consommateurs d'engrais dans le monde, et le Brésil suit exactement la même tendance (ce dernier empiète en plus sur ses forêts primaires pour étendre ses cultures). Si plus de verdure aboutit à un épuisement des réserves d'eau, un appauvrissement des sols et une pollution des rivières, il n'y a pas de quoi se réjouir.

    Une précédente étude basée sur les observations satellites avait émis l'hypothèse que l'augmentation de la couverture végétale était majoritairement attribuable à la hausse du niveau de CO2 atmosphérique, favorable à la croissance des plantes. « Nous montrons ici que le rôle de l'Homme est bien plus important que ce qu'on pensait », atteste Ranga Myneni. Et il ne fait pas toujours les bons choix. Une autre étude parue en 2018 dans Nature montrait ainsi les effets pervers des plantations massives de conifères en Europe.