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Désinformation et contrefaçons: dangers pour la santé publique

Un policier chinois marchant entre des contrefaçons de produits pharamceutiques saisis à Pékin en 2013. Une grande partie des contrefaçons était destinée à l'Afrique du Sud.

Le danger des fake news pour la santé publique

En 1998, une « étude » d’Andrew Wakefield, un gastro-entérologue britannique, est publiée dans The Lancet , un journal scientifique. Cette dernière démontre un lien possible entre le vaccin ROR et le syndrome autistique. Scandale dans la presse anglaise ! Plusieurs milliers de parents s’en offusquent et refusent de vacciner leurs enfants. Les complotistes se frottent les mains. Encore aujourd'hui, l’étude de Wakefield reste une des pièces maîtresses dans l’armoire à explications et excuses des complotistes antivaccins.

Quatre ans après la publication, aucune étude scientifique n’arrive aux mêmes résultats que Wakefield. Impossible de prouver le pseudo lien entre le vaccin contre la rougeole-oreillons-rubéole (ROR) et l’autisme. Le British General Medical Council (GMC) entame une enquête approfondie . Résultat, en 2010 le GMC prouve plus d’une trentaine d’inculpations contre Wakefield, dont quatre pour « malhonnêteté ». Wakefield est radié et ne peut plus exercer au Royaume-Uni. The Lancet retire l’étude après avoir également trouvé des preuves de falsifications scientifiques de la part de Wakefield.

Andrew Wakefield en 2010 (REUTERS)

En 2011, le journaliste d’investigation Brian Deer publie dans le British Medical Journal un article identifiant la portée vénale de la pseudo étude de Wakefield, ce dernier ayant été rémunéré par un avocat anglais qui espérait déclencher une action en justice collective juteuse contre les fabricants de vaccins. Deer affirme également que Wakefield prévoyait de lancer une entreprise de test de dépistage pour la présupposée « maladie » reliée au vaccin ROR que Wakefield voulait appeler « entérocolite autistique ». Une manne de 28 millions de Livres Sterling selon les prospectus pour investisseurs rien que pour la vente des tests aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. La cupidité et le mensonge relié à ce canular provoqua un déclin des taux de vaccinations au Royaume-Uni, une augmentation des cas de rougeoles et des décès qui auraient pu être évités.

Wakefield est depuis 2015 exilé au USA, proche des milieux ultra-conservateurs et est en partie responsable de la baisse du taux de vaccination dans la communauté Somali du Minnesota. Cette baisse est depuis la triste cause de la plus forte épidémie de rougeole aux USA depuis des décennies .

En 2019, une énième étude basée sur plus de 650 000 enfants Danois désavoue l’article-fraude de Wakefield, et confirme l’absence totale de lien entre le vaccin ROR et l’autisme. Mais le mal est fait, Wakefield est érigé en héro par les complotistes de tous bords. Les études discréditant son canular ? Des mensonges payés par le conglomérat des lobbys pro vaccins selon eux. Les décès suite à la rougeole ? Hautement improbables et douteux selon ces mêmes militants. Ces derniers ont réponses à tout. Mais alors, mon article ? Comment diable le discréditer ? Simple, mon père est médecin. La voilà leur excuse. Le complot est tout trouvé. Qu'importe le consensus scientifique, la décence, le pragmatisme ou la raison.

Même l’acteur Jim Carrey s’est érigé comme porte-parole de Wakefield. Leur preuve du complot ? Bill Gates aurait avoué que les vaccins sont conçus pour dépeupler la Terre. Le petit hic, le milliardaire américain n’a évidemment jamais dit quoi que ce soit allant dans ce sens. Et pendant que les comptes Twitter s’échauffent et que les groupes Facebook s’abreuvent dans l’ignorance, les taux de vaccination baissent et les décès augmentent.

Jim Carrey Twitter

En 2018, une étude publiée par Elsevier démontre que les fausses informations et la sur-interprétation d’informations médicales sur les réseaux sociaux constituent la plus grande menace de santé publique. 40% des liens les plus partagés contiennent des textes que les auteurs de l’étude considèrent comme faux et trompeurs. Ces derniers ont été partagés plus de 450'000 fois entre 2012 et 2017. Les contenus les plus fallacieux concernent les vaccins, alors que les contenus en lien avec les maladies cardiovasculaires sont les plus sourcés et fiables. Le plus effrayant : 20% des liens frauduleux de l’étude n’avait été générés que par une seule source.

Le nouveau fléau: la contrefaçon de médicaments en Afrique

Mais le plus grand danger de la désinformation et des théories complotistes liées aux médicaments risque bien d’arriver si les Fake News s’emparent d’un combat encore peu médiatisé, mais ô combien central : la contrefaçon de médicaments.

Comme le relate la BBC , la prolifération et le trafic des faux médicaments en Afrique est une crise de santé publique qui ne peut plus être ignorée. Une rencontre avait lieu la semaine passée au Togo avec sept délégations africaines pour lutter contre ce problème qui prend une ampleur considérable.

Le trafic de produits pharmaceutiques contrefaits représente un commerce de 200 milliards de US$ par an. L’OMS déclare que 42% de tous les faux médicaments signalés entre 2013 et 2017 provenait du continent africain. L’an dernier, 12 tonnes de produits pharmaceutiques illicites ont étés saisis à des contrebandiers en Côte d’Ivoire. Selon PwC, la proportion de faux produits peut atteindre 70% dans certains pays comme des régions en développement en Afrique. Une étude américaine a par exemple estimé à plus de 122 000 le nombre d’enfants de moins de cinq ans mourant chaque année à cause de médicaments antipaludiques de qualité inférieure en Afrique subsaharienne. Comme d’habitude, l’Afrique est une des premières touchées. Le problème semble donc bien lointain pour l’Occident. Mais l’Europe et l’Amérique du Nord représentent déjà 20% du marché mondial de vente de produits pharmaceutiques illégaux. Et le marché grandit.

Les contrefaçons ne sont pour l’instant véhiculées que dans le monde « analogue », mais le digital est à portée. Il s’agit du VRP parfait. En reliant le marché grandissant des contrefaçons dangereuses avec le scepticisme hébète des conspirationnistes du dimanche soir, et en mélangeant le tout avec la viralité et la manipulation si facile des foules au travers des réseaux sociaux, on obtient le précipité rêvé pour tout charlatan désireux d’inonder un marché de médicaments miracles et de pilules magiques.

Nous venons d’entrer dans une nouvelle décennie. Le monde digital évolue, réalité imparfaite, certes, mais partiale. Le faux est une hydre a deux têtes, empalant avec une vitesse et une frénésie impitoyable le monde digital, mais également le monde analogue, matériel. La désinformation est un cerbère vorace parrainant et consolidant les impostures, qu’elles soient numériques ou physiques. Lutter contre la désinformation et le faux, lutter contre l’apitoiement de la véracité face aux aboiements des crédules, c’est lutter contre tous types de tromperies. Sinon, comme d’habitude, les plus démunis en seront toujours les premières victimes.