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Diesel : Bruxelles et Berlin « choqués » par les expériences « injustifiables » de VW et consorts

Un organisme de recherche financé par Volkswagen, Daimler et BMW a réalisé des tests sur des hommes et des singes pour démonter l’innocuité des gaz d’échappement.

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Publié le 29 janvier 2018 à 12h25, modifié le 30 janvier 2018 à 14h45

Temps de Lecture 5 min.

Chaîne d’assemblage de la Golf VII à l’usine Volkswagen de Wolfsburg (Allemagne), en mars 2017.

Les constructeurs automobiles allemands semblent n’avoir reculé devant aucune expérimentation pour tenter de démontrer l’innocuité du diesel. Le Groupe européen de recherche sur l’environnement et la santé dans le secteur du transport (EUGT), organisme financé entre 2007 et 2017 par Volkswagen, Daimler et BMW, ainsi que par l’équipementier Bosch, a réalisé des tests sur des singes et des cobayes humains pour mesurer les effets des oxydes d’azote (NOx) et notamment du dioxyde d’azote (NO2), un gaz très toxique émis par les véhicules à motorisation diesel.

« Nous sommes choqués par ces nouvelles comme n’importe qui d’autre, a réagi la Commission européenne, mardi 30 janvier, via son porte-parole. C’est aux autorités nationales de traiter le sujet et ce type de sujet requiert une action urgente ». 

Steffen Seibert, le porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel, avait qualifié la veille ces expériences d’« injustifiables d’un point de vue éthique » et réclamé des comptes aux constructeurs. « La confiance en l’industrie automobile est à nouveau écornée », a estimé le ministre des transports et de l’agriculture allemand, Christian Schmidt, précisant que les groupes concernés seraient convoqués devant la commission d’enquête du Bundestag mise en place après le scandale du « dieselgate ». En septembre 2015, Volkswagen avait été contraint de reconnaître le trucage de 11 millions de ses véhicules pour minorer les rejets de NOx lors des tests d’homologation.

« Monkeygate »

« Ecœurée », la ministre de l’environnement, Barbara Hendricks, devait participer, mardi 30 janvier – avec ses homologues français et italien –, à un sommet exceptionnel organisé à Bruxelles par la Commission européenne pour les Etats menacés de poursuites judiciaires pour des dépassements répétés des limites d’exposition au NO2. « Les dessous de ce scandale doivent être rapidement mis au jour », a-t-elle exhorté.

Cette nouvelle affaire, que d’aucuns ont déjà baptisé le « monkeygate », a été révélée en deux temps par la presse. Le 25 janvier, sur la base de documents issus d’une action de groupe visant Volkswagen aux Etats-Unis, le New York Times a expliqué que l’EUGT avait réalisé une étude sur des singes dans le but de « prouver que les véhicules diesel de technologie récente sont plus propres que les vieux modèles ». Le protocole ? Dix macaques, enfermés dans une pièce pendant quatre heures, devaient respirer les gaz d’échappement d’une Beetle, la successeure de la légendaire Coccinelle. Pour tuer l’ennui, ils étaient installés devant des dessins animés. L’expérimentation a été menée dans un laboratoire d’Albuquerque (Nouveau-Mexique) en 2014.

Deux ans plus tôt, l’Organisation mondiale de la santé avait classé le diesel comme cancérogène. L’étude de l’EUGT n’a débouché sur aucune publication et le scientifique chargé de l’expérience a déclaré sous serment ignorer si la Beetle était équipée du fameux logiciel truqueur. Les pièces de la procédure montrent en revanche que Volkswagen a eu un « rôle leadeur », puisque des ingénieurs de la firme ont supervisé l’installation du véhicule sur un tapis roulant.

Méthode « aussi immonde qu’absurde »

Stephan Weil, le ministre-président de Basse-Saxe, un Land actionnaire de Volkswagen, a jugée cette étude « aussi immonde qu’absurde ». Volkswagen a présenté ses excuses et pris ses « distances avec toute forme de maltraitance animale ». « Nous sommes convaincus que la méthode scientifique choisie à cette époque était erronée, a déclaré le groupe de Wolfsburg. Il aurait été préférable de renoncer à une telle étude dès le début. »

Le patron du groupe, Matthias Müller, a dit lundi soir à Bruxelles, selon le magazine allemand Der Spiegel, que ces tests n’étaient « pas éthiques et étaient repoussants » et a promis des « conséquences » en interne. 

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Dans le quotidien Bild, Thomas Steg, responsable du groupe allemand pour les relations publiques et avec les autorités, a admis avoir été informé des essais destinés à étudier les effets de la pollution des moteurs diesel Volkswagen. Il a cependant insisté sur le fait qu’il avait refusé que ces tests soient réalisés sur des humains.

Le scandale a pourtant monté d’un cran, lundi 29 janvier, quand la Süddeutsche Zeitung et la Stuttgarter Zeitung – le quotidien de Stuttgart où Daimler a son siège – ont révélé que les expérimentations conduites par l’EUGT concernaient aussi des humains.

Entre 2012 et 2015, vingt-cinq jeunes adultes en bonne santé ont joué les cobayes. Cette fois, l’expérimentation ne se déroulait pas à Albuquerque mais à l’hôpital universitaire d’Aix-la-Chapelle. Une fois par semaine, ces personnes étaient exposées pendant trois heures dans une pièce de 40 m2 à des concentrations de NO2 pouvant atteindre jusqu’à trois fois la valeur limite d’exposition professionnelle (950 microgrammes par mètre cube). A chaque séance, ils devaient de surcroît passer un moment à pédaler sur un vélo d’appartement. Publiée en 2016, l’étude a conclu à l’absence d’« effets inflammatoires sur les voies respiratoires » des cobayes.

Le groupe Daimler s’est dit « consterné » par « la mise en place et l’ampleur de ces tests » et a « condamné fermement » cette étude. La firme de Stuttgart, qui produit les Mercedes, assure n’avoir aucun lien avec ces recherches, mais explique qu’elle va tout de même diligenter une enquête. De son côté, BMW a démenti y avoir participé.

« Tromperie aggravée »

Pour l’EUGT, qui a cessé ses activités en 2017, emporté par le « dieselgate », les tests pratiqués à Aix-la-Chapelle n’ont « rien à voir avec le scandale du diesel » ni avec ceux menés sur les singes. Leur but était d’évaluer les effets de l’exposition au NO2 sur le lieu de travail, « pour les conducteurs de poids lourds, les mécaniciens ou les soudeurs », afin de recommander une éventuelle baisse des seuils réglementaires, soutient l’institut dont le directeur, le toxicologue munichois Helmut Greim, a été au centre de plusieurs conflits d’intérêts et a notamment fait partie d’un groupe d’experts de Monsanto sur le glyphosate.

En France, ces nouveaux éléments devraient intéresser les juges du pôle santé du tribunal de grande instance de Paris, chargés de l’information judiciaire pour « tromperie aggravée » qui vise Volkswagen. Entendu comme témoin assisté en mars 2017, le groupe allemand « conteste que les véhicules [qu’il] a commercialisés aient pu, par leur utilisation, présenter un quelconque danger pour la santé de l’homme ou de l’animal, ainsi qu’il est prétendu dans la convocation qui nous a été adressée », selon le procès-verbal d’audition que Le Monde a pu consulter.

Une étude publiée en mai 2017 dans la revue Nature évaluait à 38 000 le nombre de morts prématurées causées sur la planète, en 2015, par les excès d’oxydes d’azote du « dieselgate ».

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