Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Hollande pourra-t-il tenir sa promesse de fermer les centrales nucléaires ?

Alors que l’Etat amorce la négociation avec EDF pour la fermeture de la centrale de Fessenheim, la réduction de la part de l’atome dans la production d’énergie ressemble de plus en plus à une gageure.

Par 

Publié le 14 avril 2016 à 18h57, modifié le 20 mai 2016 à 10h33

Temps de Lecture 4 min.

Basse-Ham, en Moselle, centrale nucléaire de Cattenon.

C’était l’une des promesses du candidat socialiste François Hollande : réduire de 50 % la part du nucléaire dans la production d’énergie française. Elle revient sur le devant de la scène alors que s’amorce une très difficile négociation entre l’Etat et EDF, qui devra percevoir une indemnité lors de la fermeture de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), la plus ancienne du territoire. Alors que le groupe public s’attendait à 2 ou 3 milliards d’euros, la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, a proposé... moins de 100 millions d’euros, révèle Le Monde vendredi 20 mai.

La loi de transition énergétique pour la croissance verte (août 2015) prévoit, dès son premier article, de « réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 [contre 77 % en 2014] ». Et la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, vient d’annoncer que la feuille de route permettant de concrétiser cet engagement serait publiée « au plus tard le 1er juillet ».

La Cour des comptes estime, dans son dernier rapport annuel, que baisser la part de l’atome à 50 % du bouquet électrique revient à arrêter « de dix-sept à vingt réacteurs » sur les cinquante-huit que compte l’Hexagone.

Parc des centrales nucléaires françaises en 2015 (L’EPR de Flamanville est en cours de construction)

Sept réacteurs en cinq ans

Or, si l’on rapporte cet objectif au quinquennat de François Hollande, c’est 1,3 à 1,5 réacteur qui devrait être fermé par an, soit sept réacteurs en cinq ans. Depuis 2012 et l’entrée en fonction de François Hollande, aucune centrale n’a été fermée. La fermeture de Fessenheim, en Alsace, a été annoncée, mais elle ne sera effective qu’en 2018, au moment de la mise en service prévue de l’EPR de Flamanville, dans la Manche.

Au-delà du volontarisme politique — le décret pour créer la première programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) « sera mis en consultation formelle avant l’été » — et de la problématique industrielle (affaiblir les géants tricolores EDF et Areva), est-il possible techniquement de rattraper le retard et de fermer sept réacteurs dans l’année qui vient ?

Concrètement, s’il s’agit de désactiver les réacteurs, le pari peut être tenable. L’exemple allemand le montre : huit réacteurs ont été fermés en cinq mois, après l’accident de Fukushima, au Japon.

Arrêter une centrale, c’est l’affaire de quelques semaines, affirme l’association Réseau sortir du nucléaire, voire de quelques mois :

« Techniquement parlant, ce n’est pas un problème majeur. On le fait régulièrement quand on change de combustible par exemple. »

La France en retard dans le renouvelable

Le problème, c’est que pour arrêter autant de centrales, les autres énergies doivent compenser pour continuer à répondre aux besoins toujours croissants de la population française en électricité. L’objectif est de développer les énergies renouvelables. Or la France est encore largement dépendante du nucléaire, et la part du renouvelable dans la production d’électricité peine à décoller.

La production d'électricité en France depuis 1970

en TWh

La France se retrouve ainsi largement en retard par rapport à ses voisins européens. Le graphique ci-dessous montre que la part des énergies renouvelables y a diminué, à la fois dans le mix électrique de consommation et le mix énergétique (consommation de toutes énergies pour tous usages) du pays entre 2005 et 2014 :

Classement des pays de l'UE selon la part d'énergies renouvelables

Dans le mix électrique du pays Dans le mix énergétique du pays
Malte 24 28 Luxembourg 19 27 Chypre 25 26 Hongrie 21 25 Pays-Bas 15 24 Pologne 20 23 Lituanie 18 22 Rép. Tchèque 16 21 Belgique 22 20 Estonie 23 19 Royaume-Uni 17 18 Bulgarie 17 France 11 16 Grèce 13 15 Irlande 14 14 Slovaquie 7 13 Allemagne 12 12 Finlande 5 11 Lettonie 3 10 Italie 10 9 Espagne 8 8 Roumanie 7 Slovénie 6 6 Danemark 4 5 Croatie 4 Portugal 9 3 Suède 2 2 Autriche 1 1 2005 2010 2014
Sources : EurObserv’ER 2006, 2011 et 2015

La gageure du démantèlement

Si par « fermeture », on entend « démantèlement », la tâche risque d’être une mission impossible pour François Hollande. La fermeture ou le démantèlement d’une usine ne peuvent être décidés que par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ou par EDF, dont l’Etat est actionnaire majoritaire.

Le Monde
-50% sur toutes nos offres
Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 11,99 € 5,99 €/mois pendant 1 an.
S’abonner

Le processus de démantèlement est extrêmement long et coûteux. Après l’arrêt d’un réacteur, il faut enlever l’uranium irradié qui sert de combustible et le laisser refroidir dans des piscines pendant des années. Il faut également stocker les déchets radioactifs, puisque toutes les pièces de la centrale, de la cuve à la tuyauterie, émettent un rayonnement radioactif.

Une seule centrale nucléaire dans le monde a été complètement démantelée. Elle se trouvait aux Etats-Unis, dans l’Etat du Maine. Son démantèlement a pris huit ans (de 1997 à 2005) et la question des déchets doit encore être réglée : ils sont stockés sur place et devraient être envoyés dans le Nevada, mais la population s’y oppose.

Un horizon encore lointain

Selon l’ASN, six sites EDF sont en cours de démantèlement sur la trentaine d’installations nucléaires, tous types confondus (réacteurs, laboratoires de recherche, centre de retraitement, etc.). Mais l’horizon de fin des chantiers reste lointain : au plus proche 2020 pour Chooz, et entre 2035 et 2040 pour Bugey, Saint-Laurent-des-Eaux et Chinon…

La centrale nucléaire de Brennilis, dans le Finistère, est en cours de démantèlement depuis 1985 ; le processus devrait toucher à sa fin en 2020. En juillet 2011, l’ASN a autorisé son démantèlement partiel, une nouvelle phase qui consiste à vider l’intérieur du bâtiment-réacteur mais pas le bâtiment lui-même ni le bloc-réacteur. En 2005, la Cour des comptes évaluait le coût de ce démantèlement à 482 millions d’euros.

Résumé

Si François Hollande veut respecter sa promesse de candidat, il va lui falloir accélérer pour tenir le rythme. L’arrêt des centrales n’est pas un objectif inatteignable ; le démantèlement, par contre, est une gageure sur les années qui viennent.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.