Iter et ses retombées

La construction du réacteur expérimental sur la fusion nucléaire débouche sur de nombreux contrats pour les entreprises régionales.

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Iter et ses retombées
Le chantier de Cadarache est l’opportunité, pour les entreprises partenaires du projet, de s’implanter dans la région.

Emmanuel Macron est le quatrième président de la République depuis le lancement du projet Iter sur la fusion nucléaire. Jusqu’ici, aucun ne s’est rendu sur le chantier de Cadarache, à Saint-Paul-lès-Durance (Bouches-du-Rhône), pour juger de l’ampleur de ce défi technologique mondial dont la France bénéficie grandement. Le projet a pris du retard et son calendrier a été redéfini. Le premier plasma (« soupe » d’ions, d’électrons et de noyaux) ne sera pas obtenu en 2020, mais en 2025. Bernard Bigot, le directeur général d’Iter Organization depuis 2015, invite les industriels français à visiter le site pour prendre conscience des opportunités. « Nous sommes déterminés à respecter le nouveau calendrier validé, explique-t-il. Je conseille aux entreprises de nous présenter leurs solutions en amont des appels d’offres. Même des PME aux technologies très spécifiques peuvent fournir Iter ! »

Lors de l’Iter Business Forum, fin mars à Avignon (Vaucluse), plus de 1 000 participants ont entendu les besoins exprimés par l’organisation internationale, les agences domestiques des partenaires du projet (Europe, Suisse, États-Unis, Russie, Inde, Chine, Japon, Corée du Sud) et les industriels titulaires de marchés. « Depuis 2007, Fusion for Energy [F4E, l’agence domestique européenne] a conclu pour près de 4 milliards d’euros de contrats avec 440 compagnies et 65 organismes de R & D. En 2016, 570 contrats ont été signés, explique Johannes Schwemmer, le directeur de F4E. Entre 2017 et 2020, nous passerons pour 1,6 milliard d’euros de marchés. »

Des milliers d’emplois directs et indirects

Les outillages pour le pré-assemblage du cœur d’Iter commenceront à prendre place en juin 2017 dans le hall voué à ces opérations. Plus de 3 200 ouvriers, techniciens, ingénieurs et scientifiques travaillent déjà sur le site. Dans 35 pays, des milliers d’autres fabriquent les composants du tokamak, la chambre de confinement magnétique. Après le débarquement des pièces géantes à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), 16 convois exceptionnels ont déjà parcouru de nuit l’itinéraire aménagé par l’agence Iter France (AIF).

Le projet rejaillit sur l’ensemble du territoire. À l’intérieur d’un périmètre de 30 minutes de trajet de la plate-forme d’Iter, l’Insee indique que l’emploi salarié privé a crû de 4 700 postes en dix ans, dont plus de 1 900 dans les services aux entreprises (conseil, ingénierie, R & D…) et les services opérationnels (sécurité, nettoyage…), et plus de 400 dans l’industrie. Un millier provient d’entreprises siégeant à l’extérieur de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Pour anticiper les demandes d’implantation, la ville de Pertuis (Vaucluse) va affecter 80 hectares à l’industrie pour accueillir des entreprises intervenant sur Iter et au CEA à Cadarache. « La montée en puissance de la construction et de l’assemblage impliquera de disposer de plus de foncier qu’aujourd’hui près du site, souligne le directeur général de l’AIF, Jacques Vayron. Iter doit contribuer au développement du tissu économique comme le Joint European Torus (JET) en Angleterre, le Cern en Suisse et le Laser Mégajoule en France ont réussi à le faire. »

En 2014, une première installation a été enregistrée à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), celle d’une société coréenne, Kepco Engineering & Construction. En juin 2016, Iter Organization l’a retenue pour un contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage de 174 millions d’euros dans le cadre du consortium Momentum, avec le français Assystem et le britannique Amec Foster Wheeler. Ce dernier est arrivé à Aix en 2014 avec sa filiale française, qui ne cesse de s’étoffer, selon Philippe Wolf, son directeur. « Entre notre entité parisienne et Aix, nous comptons 70 personnes dédiées aux projets nucléaires. Nous prévoyons une trentaine de recrutements en 2017 avec la volonté de trouver des compétences localement, et le consortium devrait embaucher 150 à 200 personnes dans les prochaines années. » À Fos-sur-Mer, Daher, responsable de la chaîne logistique globale d’Iter depuis 2012, se dote d’un centre de stockage et de distribution de 12 000 m² pour ajuster le rythme des livraisons à effectuer pour l’assemblage du réacteur.

Jalons prometteurs

Selon le Comité industriel Iter (C2I), les contrats dévolus à des entreprises françaises se sont montés à environ 3 milliards d’euros. Près de 70 % du 1,4 milliard d’euros de marchés d’Iter Organization et 46 % des 3,57 milliards d’euros de F4E ont bénéficié à des sociétés telles que Cnim, Assystem, Air liquide, Thales, Alsyom, Comex Nucléaire, Altran, Airbus Safran Launchers, Spie Batignolles TPCI, Valerian, Ateliers de Fos… Une vision partielle des retombées réelles, assure Sabine Portier, la secrétaire générale du C2I. « Nous recensons les primo-contractants, mais nous ne disposons pas d’éléments sur leurs propres sous-traitances. Nous n’identifions pas plus non l’intégralité des appels d’offres remportés auprès des autres agences domestiques d’Iter, comme Thales TED ou Air liquide avec Iter India, Bertin Technologies ou Robatel avec US Iter, ou auprès de primo-contractants de ces agences. »

Le C2I assure les mises en relation lorsqu’il repère une technologie susceptible d’intéresser le projet. Installée à Aubagne (Bouches-du-Rhône), la TPE Beweis a ainsi pu présenter, lors de l’Iter Business Forum 2017, avec son partenaire CSI, sa solution RFID de traçabilité des contrôles de soudure par radiographie. « Dans un environnement industriel complexe comme Iter, elle apporte un gain de temps, de fiabilité, de coût et de sécurité que la pratique traditionnelle ne peut garantir », assure le dirigeant, Jacky Catonio, qui l’a fait valider par l’Institut de soudure et tester par Areva et Naphtachimie. « Quand une entreprise estime détenir une expertise particulière, nous pouvons lui dire si elle entre dans les exigences d’Iter. Mais il lui faudra patience et persévérance, compte tenu des procédures de pré-qualification et de sélection », avertit Philippe Olivier, l’adjoint de Sabine Portier.

L’enjeu en vaut la peine, estime Gerassimos Thomas, le directeur général délégué d’Iter Organization : « Les bénéfices sont à prendre sans attendre que la fusion fonctionne car une nouvelle filière émerge. Dans le monde, beaucoup de compagnies sont très fières d’avoir rejoint le projet. »

« Une référence durable de notre savoir-faire »

Philippe Terral, chef de projet Castel et Fromaget

  • Comment votre groupe s’est-il positionné sur la construction de charpentes métalliques pour les bâtiments d’assemblage de composants d’Iter ?

C’est un projet mondial pointu, avec des critères d’exigence élevés. Fort de ses compétences en dessin, conception, fabrication et montage, notre groupe a souhaité relever le défi, en sous-traitance du consortium Vinci Ferrovial Razel-Bec. Il a fallu plusieurs mois d’étude et de procédures avant la pose du premier kilo de charpente.

  • Quelle organisation a nécessité ce projet ?

Pour respecter à la virgule près la norme EN 1090-1, fil conducteur du management de la qualité, nous avons choisi des partenaires fiables. Nous avons instauré un suivi spécifique de la sous-traitance et effectué de nombreux audits. Notre usine de Fleurance, dans le Gers, a transformé 90 % de la charpente métallique. Ce projet, réalisé à 70 %, a représenté près de 2?millions d’euros d’investissement humain, technique et de contrôle qualité, et la mobilisation d’une cinquantaine de personnes sur le chantier et dans nos ateliers.

  • Quelles retombées en attendez-vous ?

Nous pourrons transposer ailleurs ce que nous avons réussi pour Iter. Même si ces ouvrages industriels très complexes sont difficiles à appréhender sur le plan économique, les charpentes construites pour Iter seront une référence durable de notre savoir-faire. 

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